Crochet de Poisson

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En mécanique hamiltonienne, on définit le crochet de Poisson de deux observables A {\displaystyle A} et B {\displaystyle B} , c'est-à-dire de deux fonctions sur l'espace des phases d'un système physique, par :

{ A , B }   =   i = 1 N   [   A q i   B p i     A p i   B q i   ] {\displaystyle \{A,B\}\ =\ \sum _{i=1}^{N}\ \left[\ {\dfrac {\partial A}{\partial q_{i}}}\ {\dfrac {\partial B}{\partial p_{i}}}\ -\ {\dfrac {\partial A}{\partial p_{i}}}\ {\dfrac {\partial B}{\partial q_{i}}}\ \right]}

où les 2 N {\displaystyle 2N} variables, dites canoniques, sont les N {\displaystyle N} coordonnées généralisées { q i } i = 1 , . . . , N {\displaystyle \{q_{i}\}_{i=1,...,N}} et les N {\displaystyle N} moments conjugués { p i } i = 1 , . . . , N {\displaystyle \{p_{i}\}_{i=1,...,N}} .

C'est un cas particulier de crochet de Lie.

Avant de continuer, soulignons au passage qu'il existe deux conventions de signes au crochet de Poisson. La définition donnée ci-haut est dans la convention de signe employée par Dirac[1], Arnold [2], Goldstein [3] et de Gosson [4] pour n'en citer que quelques-uns. La convention de signe opposée est celle adoptée par Landau et Lifschitz [5], Souriau [6], Kirillov [7], Woodhouse [8] puis McDuff et Salamon [9] :

{ A , B }   =   i = 1 N   [   A p i   B q i     A q i   B p i   ] {\displaystyle \{A,B\}\ =\ \sum _{i=1}^{N}\ \left[\ {\dfrac {\partial A}{\partial p_{i}}}\ {\dfrac {\partial B}{\partial q_{i}}}\ -\ {\dfrac {\partial A}{\partial q_{i}}}\ {\dfrac {\partial B}{\partial p_{i}}}\ \right]}

Plus bas, on dira plus simplement que la première convention de signe du crochet de Poisson est celle de Dirac et que la seconde convention de signe est celle de Landau et Lifschitz. Notons que cette nomenclature n'est pas standard et ne vise qu'à enlever l'ambiguïté sur le signe du crochet de Poisson. Quelle convention de signe fut celle de Lagrange ou d'Hamilton par exemple ?

Propriétés

  • Le crochet de Poisson est antisymétrique :
    { A , B }   =     { B , A } {\displaystyle \{A,B\}\ =\ -\ \{B,A\}}
  • Le crochet de Poisson apporte une structure d'algèbre à l'ensemble des observables, qui en mécanique classique sont des fonctions sur l'espace des phases :
{ A , B + C } = { A , B } + { A , C } , { α A , β B } = α β { A , B } . {\displaystyle {\begin{aligned}\{A,B+C\}&=\{A,B\}+\{A,C\},\\\{\alpha A,\beta B\}&=\alpha \beta \{A,B\}.\end{aligned}}}
  • Le crochet de Poisson satisfait à l'identité de Jacobi :
{ A , { B , C } }   +   { B , { C , A } }   +   { C , { A , B } }   =   0 {\displaystyle \{A,\{B,C\}\}\ +\ \{B,\{C,A\}\}\ +\ \{C,\{A,B\}\}\ =\ 0}

Les trois propriétés précédentes font du crochet de Poisson un cas particulier de crochet de Lie.

  • Le crochet de Poisson satisfait de plus à l'identité de Leibniz :
{ A , B C }   =   { A , B } C   +   { A , C } B {\displaystyle \{A,BC\}\ =\ \{A,B\}C\ +\ \{A,C\}B}
  • Les variables canoniques sont liées par les relations :
    { q j , q k }   = 0 { q j , p k }   =   δ k j { p j , p k }   = 0 {\displaystyle \{q_{j},q_{k}\}\ =0\quad \{q_{j},p_{k}\}\ =\ \delta _{k}^{j}\quad \{p_{j},p_{k}\}\ =0}
  • t { A , B }   = { A t , B } + { A , B t } {\displaystyle {\dfrac {\partial }{\partial t}}\{A,B\}\ =\left\{{\dfrac {\partial A}{\partial t}},B\right\}+\left\{A,{\dfrac {\partial B}{\partial t}}\right\}} car les dérivées partielles commutent.

Équations canoniques

Soit H ( q i , p i ) {\displaystyle H(q_{i},p_{i})} le hamiltonien du système considéré. Les équations canoniques de Hamilton en mécanique classiques sont données par :

q ˙ j = H p j p ˙ j = H q j {\displaystyle {\begin{aligned}{\dot {q}}_{j}&={\dfrac {\partial H}{\partial p_{j}}}\\{\dot {p}}_{j}&=-{\dfrac {\partial H}{\partial q_{j}}}\\\end{aligned}}}

Dans la convention de signe du crochet de Poisson utilisée par Dirac, ces deux équations se reformulent comme ceci :

q ˙ j = { q j , H } p ˙ j = { p j , H } {\displaystyle {\begin{aligned}{\dot {q}}_{j}&=\{q_{j},H\}\\{\dot {p}}_{j}&=\{p_{j},H\}\\\end{aligned}}}

Inversement, dans la convention de signe de Landau et Lifschitz, ces deux équations se reformulent plutôt comme ceci :

q ˙ j = { H , q j } p ˙ j = { H , p j } {\displaystyle {\begin{aligned}{\dot {q}}_{j}&=\{H,q_{j}\}\\{\dot {p}}_{j}&=\{H,p_{j}\}\\\end{aligned}}}

De manière générale, l'évolution temporelle d'un observable autonome f {\displaystyle f} sur l'espace des phases par un hamiltonien H {\displaystyle H} est dans la convention de signe de Dirac donné par f ˙ = { f , H } {\displaystyle {\dot {f}}=\{f,H\}} alors qu'il est donné dans la convention de signe de Landau et Lifschitz par f ˙ = { H , f } {\displaystyle {\dot {f}}=\{H,f\}} .

Évolution d'une observable quelconque

Cas général

Soit une observable A {\displaystyle A} , c’est-à-dire une fonction sur l'espace des phases dépendant des moments et des coordonnées généralisées et possiblement du temps. Il résulte des relations précédentes que dans la convention de signe de Dirac :

d A d t   =   A t   +   { A , H } {\displaystyle {\dfrac {\mathrm {d} A}{\mathrm {d} t}}\ =\ {\dfrac {\partial A}{\partial t}}\ +\ \{A,H\}}

A t {\displaystyle {\tfrac {\partial A}{\partial t}}} désigne la dérivée partielle de A {\displaystyle A} par rapport à une éventuelle dépendance explicite de A {\displaystyle A} par rapport au temps. Inversement, dans la convention de signe de Landau et Lifschitz, cette équation s'écrit :

d A d t   =   A t   +   { H , A } {\displaystyle {\dfrac {\mathrm {d} A}{\mathrm {d} t}}\ =\ {\dfrac {\partial A}{\partial t}}\ +\ \{H,A\}}

Cas de l'énergie totale

On obtient pour l'énergie totale du système :

d H d t   =   H t {\displaystyle {\dfrac {\mathrm {d} H}{\mathrm {d} t}}\ =\ {\dfrac {\partial H}{\partial t}}}

puisque { H , H } = 0 {\displaystyle \{H,H\}=0} par antisymétrie.

Théorème de Poisson

Si A {\displaystyle A} et B {\displaystyle B} sont deux « intégrales premières » du système[10], c'est-à-dire si d A d t = d B d t = 0 {\displaystyle {\dfrac {dA}{dt}}={\dfrac {dB}{dt}}=0} , alors   { A , B } {\displaystyle \ \{A,B\}} en est une aussi.

Démonstration :
Dans le cas où A {\displaystyle A} et B {\displaystyle B} ne dépendent pas explicitement du temps : d'après l'identité de Jacobi, on a { A , { B , H } }   +   { B , { H , A } }   +   { H , { A , B } }   =   0 {\displaystyle \{A,\{B,H\}\}\ +\ \{B,\{H,A\}\}\ +\ \{H,\{A,B\}\}\ =\ 0} .
Or d A d t = { A , H } = 0 {\displaystyle {\dfrac {dA}{dt}}=\{A,H\}=0} et d B d t =   { B , H } = 0 {\displaystyle {\dfrac {dB}{dt}}=\ \{B,H\}=0} , donc   { H , { A , B } } = 0 {\displaystyle \ \{H,\{A,B\}\}=0} .
Comme   { A , B } {\displaystyle \ \{A,B\}} ne dépend pas non plus explicitement du temps, on a d { A , B } d t = { { A , B } , H } = 0 {\displaystyle {\dfrac {d\{A,B\}}{dt}}=\{\{A,B\},H\}=0} .
D'où la conclusion pour ce cas.
Dans le cas général : on a d d t { A , B }   =   t { A , B }   +   { { A , B } , H } {\displaystyle {\dfrac {d}{dt}}\{A,B\}\ =\ {\dfrac {\partial }{\partial t}}\{A,B\}\ +\ \{\{A,B\},H\}}
En utilisant l'identité de Jacobi et l'égalité utilisant les dérivées partielles, on obtient d d t { A , B }   = { d A d t , B } + { A , d B d t } {\displaystyle {\dfrac {d}{dt}}\{A,B\}\ =\left\{{\dfrac {dA}{dt}},B\right\}+\left\{A,{\dfrac {dB}{dt}}\right\}}
La conclusion dans le cas général est alors évidente.

Quantification canonique

L'intérêt du crochet de Poisson est qu'il permet de passer facilement à la quantification dans le formalisme algébrique de Heisenberg de la mécanique quantique. Dans la convention de signe du crochet de Poisson selon Dirac, il suffit en général de faire une substitution :

{ X , Y }     1 i   [ X ^ , Y ^ ] {\displaystyle \{X,Y\}\ \to \ {\dfrac {1}{i\hbar }}\ [{\widehat {X}},{\widehat {Y}}]}

[ . , . ] {\displaystyle [.,.]} désigne le commutateur, pour obtenir les relations de commutation des opérateurs dans le formalisme de Heisenberg à partir des crochets de Poisson des observables classiques. Inversement, dans la convention de signe du crochet de Poisson de Landau et Lifschitz (et donc celle de plusieurs livres de quantification géométrique dont ceux par exemple de Souriau, de Kirillov puis de Woodhouse) il suffit plutôt de faire cette substitution suivante :

{ X , Y }     i   [ X ^ , Y ^ ] {\displaystyle \{X,Y\}\ \to \ {\dfrac {i}{\hbar }}\ [{\widehat {X}},{\widehat {Y}}]}

La même stratégie est applicable à la quantification d'un champ classique.

Notes

  1. (1925) The fundamental equations of quantum mechanics (P.A.M. Dirac), p.649
  2. (1978) Mathematical Methods Of Classical Mechanics (V. I. Arnold), p.215
  3. (1980) Classical Mechanic (H. Goldstein), p.397
  4. (2006) Symplectic geometry and Quantum Mechanics (M. A. de Gosson), p.139
  5. (1969) Mechanics (Landau AND Lifshitz), p.95
  6. (1970) Structure des systèmes dynamiques (J.-M. Souriau), p.94
  7. (1976) Elements of the theory of representations (A. A. Kirillov), p.232
  8. (1991) Geometric Quantization (N. M. J. Woodhouse), p.11
  9. (1995) Introduction to Symplectic Topology (D. McDuff AND D. Salamon), p.22-23 en posant x=p et y=q.
  10. On dit aussi « constante du mouvement ».

Bibliographie

  • R. Campbell, La Mécanique analytique, Coll. Que Sais-Je ?, Presses Universitaires de France
  • Lev Landau et Evgueni Lifchits, Physique théorique, t. 1 : Mécanique [détail des éditions]
  • Lev Landau et Evgueni Lifchits, Physique théorique, t. 3 : Mécanique quantique [détail des éditions]
  • A. Messiah, Mécanique quantique, Dunod

Voir aussi

Articles connexes

v · m
NumériquesEn ensemble ordonnéStructurellesAutres

Élémentaires
+ {\displaystyle +} Addition
{\displaystyle -} Soustraction
× {\displaystyle \times } Multiplication
÷ {\displaystyle \div } Division
^ {\displaystyle {\hat {}}} Puissance

Arithmétiques
d i v {\displaystyle \mathrm {div} } Quotient euclidien
m o d {\displaystyle \mathrm {mod} } Reste euclidien
p g c d {\displaystyle \mathrm {pgcd} } PGCD
p p c m {\displaystyle \mathrm {ppcm} } PPCM

Combinatoires
( ) {\displaystyle ()} Coefficient binomial
A {\displaystyle A} Arrangement

Ensembles de parties
{\displaystyle \cup } Union
{\displaystyle \backslash } Différence
{\displaystyle \cap } Intersection
Δ {\displaystyle \Delta } Différence symétrique

Ordre total
min {\displaystyle \min } Minimum
max {\displaystyle \max } Maximum

Treillis
{\displaystyle \wedge } Borne inférieure
{\displaystyle \vee } Borne supérieure

Ensembles
× {\displaystyle \times } Produit cartésien
˙ {\displaystyle {\dot {\cup }}} Somme disjointe
^ {\displaystyle {\hat {}}} Puissance ensembliste

Groupes
{\displaystyle \oplus } Somme directe
{\displaystyle \ast } Produit libre
{\displaystyle \wr } Produit en couronne

Modules
{\displaystyle \otimes } Produit tensoriel
H o m {\displaystyle \mathrm {Hom} } Homomorphisme
T o r {\displaystyle \mathrm {Tor} } Torsion
E x t {\displaystyle \mathrm {Ext} } Extension

Arbres
{\displaystyle \vee } Enracinement

Variétés connexes
# {\displaystyle \#} Somme connexe

Espaces pointés
{\displaystyle \vee } Bouquet
{\displaystyle \wedge } Smash-produit
{\displaystyle \ast } Joint

Fonctionnelles
{\displaystyle \circ } Composition de fonctions
{\displaystyle \ast } Produit de convolution

Vectorielles
{\displaystyle \cdot } Produit scalaire
{\displaystyle \wedge } Produit vectoriel
× {\displaystyle \times \,} Produit vectoriel généralisé

Algébriques
[ , ] {\displaystyle [,]} Crochet de Lie
{ , } {\displaystyle \{,\}} Crochet de Poisson
{\displaystyle \wedge } Produit extérieur

Homologiques
{\displaystyle \smile } Cup-produit
{\displaystyle \cdot } Produit d'intersection

Séquentielles
+ {\displaystyle +} Concaténation

Logique booléenne :
v · m
Variété différentielle
Variétés
Champs
Connexions
Géométrie
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