Modèle d'activité de Margules

Le modèle d'activité de Margules est un modèle thermodynamique simple de coefficient d'activité applicable à des espèces chimiques dans un mélange liquide. Il est présenté pour la première fois par Max Margules en 1895 comme une solution possible à la relation de Duhem-Margules[1],[2].

L'enthalpie libre d'excès calculée par ce modèle présente, sous certaines conditions, des extrémums (minimums ou maximums) en fonction de la composition du mélange, ce qui permet de représenter les azéotropes des équilibres liquide-vapeur.

Description du modèle

Enthalpie libre d'excès

On considère un mélange de deux molécules en phase liquide notées 1 {\displaystyle 1} et 2 {\displaystyle 2} .

Avec les enthalpies libres molaires G ¯ 1 {\displaystyle {\bar {G}}_{1}^{*}} et G ¯ 2 {\displaystyle {\bar {G}}_{2}^{*}} des corps 1 {\displaystyle 1} et 2 {\displaystyle 2} purs dans les mêmes conditions de température et de pression, ainsi qu'à l'état liquide comme le mélange, l'enthalpie libre molaire G ¯ {\displaystyle {\bar {G}}} du mélange vaut :

G ¯ = x 1 G ¯ 1 + x 2 G ¯ 2 + G ¯ mix {\displaystyle {\bar {G}}=x_{1}{\bar {G}}_{1}^{*}+x_{2}{\bar {G}}_{2}^{*}+{\bar {G}}^{\text{mix}}}

Dans un mélange idéal, on considère qu'il n'y a aucune interaction entre les molécules. La création d'enthalpie libre pour un mélange idéal, ou enthalpie libre molaire de mélange idéale G ¯ mix,id {\displaystyle {\bar {G}}^{\text{mix,id}}} , est donnée par :

G ¯ mix,id R T = x 1 ln x 1 + x 2 ln x 2 {\displaystyle {{\bar {G}}^{\text{mix,id}} \over RT}=x_{1}\,\ln x_{1}+x_{2}\,\ln x_{2}}

Cette valeur est toujours négative puisque les fractions molaires sont inférieures à 1, et le mélange des deux composants est donc toujours possible.

Dans un mélange réel on doit prendre en compte les interactions entre molécules : la répulsion entre molécules 1 {\displaystyle 1} et molécules 2 {\displaystyle 2} a tendance à empêcher le mélange, alors que l'attraction entre ces molécules a tendance à le favoriser. Il résulte de ces interactions une enthalpie libre molaire d'excès G ¯ E {\displaystyle {\bar {G}}^{\text{E}}} par rapport au mélange idéal. L'enthalpie libre molaire de mélange réelle G ¯ mix {\displaystyle {\bar {G}}^{\text{mix}}} vaut ainsi :

G ¯ mix = G ¯ mix,id + G ¯ E {\displaystyle {\bar {G}}^{\text{mix}}={\bar {G}}^{\text{mix,id}}+{\bar {G}}^{\text{E}}}

Margules a exprimé l'enthalpie libre molaire d'excès en fonction des fractions molaires des composants selon :

G ¯ E R T = x 1 x 2 ( A 2 , 1 x 1 + A 1 , 2 x 2 ) + x 1 2 x 2 2 ( B 2 , 1 x 1 + B 1 , 2 x 2 ) + {\displaystyle {{\bar {G}}^{\text{E}} \over RT}=x_{1}x_{2}\left(A_{2,1}\,x_{1}+A_{1,2}\,x_{2}\right)+{x_{1}}^{2}{x_{2}}^{2}\left(B_{2,1}\,x_{1}+B_{1,2}\,x_{2}\right)+\cdots }

avec :

  • x 1 {\displaystyle x_{1}} et x 2 {\displaystyle x_{2}} les fractions molaires des deux composants du mélange ;
  • A 2 , 1 {\displaystyle A_{2,1}} , A 1 , 2 {\displaystyle A_{1,2}} , B 2 , 1 {\displaystyle B_{2,1}} , B 1 , 2 {\displaystyle B_{1,2}} et suivants des coefficients qui décrivent l'interaction entre 1 {\displaystyle 1} et 2 {\displaystyle 2} dans le milieu.

Dans la grande majorité des cas on utilise l'ordre 1, ce qui permet d'obtenir l'équation à deux paramètres :

G ¯ E R T = x 1 x 2 ( A 2 , 1 x 1 + A 1 , 2 x 2 ) {\displaystyle {{\bar {G}}^{\text{E}} \over RT}=x_{1}x_{2}\left(A_{2,1}\,x_{1}+A_{1,2}\,x_{2}\right)}

Cette équation peut encore être simplifiée en supposant que la fonction est symétrique, c'est-à-dire que A 2 , 1 = A 1 , 2 = A {\displaystyle A_{2,1}=A_{1,2}=A} , ce qui donne :

G ¯ E R T = A x 1 x 2 {\displaystyle {{\bar {G}}^{\text{E}} \over RT}=A\,x_{1}x_{2}}

puisque x 1 + x 2 = 1 {\displaystyle x_{1}+x_{2}=1} pour un mélange binaire.

Coefficients d'activité

Les coefficients d'activité sont obtenus en calculant la dérivée de l'enthalpie d'excès par rapport à la quantité de chaque composé, respectivement n 1 {\displaystyle n_{1}} et n 2 {\displaystyle n_{2}} . Si on utilise l'équation d'ordre 1 à deux coefficients :

G ¯ E R T = x 1 x 2 ( A 2 , 1 x 1 + A 1 , 2 x 2 ) {\displaystyle {{\bar {G}}^{\text{E}} \over RT}=x_{1}x_{2}\left(A_{2,1}\,x_{1}+A_{1,2}\,x_{2}\right)}

on obtient[3] :

ln γ 1 = ( n 1 [ ( n 1 + n 2 ) G ¯ E R T ] ) n 2 = ( A 1 , 2 + 2 ( A 2 , 1 A 1 , 2 ) x 1 ) x 2 2 {\displaystyle \ln \gamma _{1}=\left({\partial \over \partial n_{1}}\left[{\left(n_{1}+n_{2}\right)\,{\bar {G}}^{\text{E}} \over RT}\right]\right)_{n_{2}}=\left(A_{1,2}+2\left(A_{2,1}-A_{1,2}\right)x_{1}\right){x_{2}}^{2}}
ln γ 2 = ( n 2 [ ( n 1 + n 2 ) G ¯ E R T ] ) n 1 = ( A 2 , 1 + 2 ( A 1 , 2 A 2 , 1 ) x 2 ) x 1 2 {\displaystyle \ln \gamma _{2}=\left({\partial \over \partial n_{2}}\left[{\left(n_{1}+n_{2}\right)\,{\bar {G}}^{\text{E}} \over RT}\right]\right)_{n_{1}}=\left(A_{2,1}+2\left(A_{1,2}-A_{2,1}\right)x_{2}\right){x_{1}}^{2}}

Les coefficients d'activité à dilution infinie sont obtenus selon :

ln γ 1 , 2 = lim x 1 0 x 2 1 ln γ 1 , 2 = A 1 , 2 {\displaystyle \ln \gamma _{1,2}^{\infty }=\lim _{x_{1}\to 0 \atop x_{2}\to 1}\ln \gamma _{1,2}=A_{1,2}}
ln γ 2 , 1 = lim x 2 0 x 1 1 ln γ 2 , 1 = A 2 , 1 {\displaystyle \ln \gamma _{2,1}^{\infty }=\lim _{x_{2}\to 0 \atop x_{1}\to 1}\ln \gamma _{2,1}=A_{2,1}}

Si on utilise l'équation simplifiée à 1 paramètre, l'expression des coefficients d'activité se simplifie en :

ln γ 1 = A x 2 2 {\displaystyle \ln \gamma _{1}=A\,{x_{2}}^{2}}
ln γ 2 = A x 1 2 {\displaystyle \ln \gamma _{2}=A\,{x_{1}}^{2}}
ln γ 1 , 2 = A {\displaystyle \ln \gamma _{1,2}^{\infty }=A}
ln γ 2 , 1 = A {\displaystyle \ln \gamma _{2,1}^{\infty }=A}

Extrémum

En dérivant ln γ 1 {\displaystyle \ln \gamma _{1}} par rapport à la fraction molaire d'un composant du mélange, par exemple x 1 {\displaystyle x_{1}} , on peut calculer la position d'un extrémum du coefficient d'activité à la position x 1 , max {\displaystyle x_{1,{\text{max}}}}  :

x 1 , max = 1 2 A 1 , 2 / A 2 , 1 3 ( 1 A 1 , 2 / A 2 , 1 ) {\displaystyle x_{1,{\text{max}}}={1-2\,A_{1,2}/A_{2,1} \over 3\left(1-A_{1,2}/A_{2,1}\right)}}

Pour que cet extrémum soit compris entre 0 et 1, il faut que A 1 , 2 / A 2 , 1 < 1 / 2 {\displaystyle A_{1,2}/A_{2,1}<1/2} ou A 1 , 2 / A 2 , 1 > 2 {\displaystyle A_{1,2}/A_{2,1}>2} .

Quelques exemples

Le tableau suivant regroupe quelques valeurs pour les coefficients de Margules trouvées dans la littérature scientifique et technique[4],[5].

corps 1 corps 2 A 1 , 2 {\displaystyle A_{1,2}} A 2 , 1 {\displaystyle A_{2,1}}
acétone chloroforme -0,8404 -0,5610
acétone méthanol 0,6184 0,5788
acétone eau 2,0400 1,5461
tétrachlorure de carbone benzène 0,0948 0,0922
chloroforme méthanol 0,8320 1,7365
éthanol benzène 1,8362 1,4717

Voir aussi

Notes et références

  • (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Margules activity model » (voir la liste des auteurs).
  1. (de) Max Margules, « Über die Zusammensetzung der gesättigten Dämpfe von Misschungen », Sitzungsberichte der Kaiserliche Akadamie der Wissenschaften Wien Mathematisch-Naturwissenschaftliche Klasse II, vol. 104,‎ , p. 1243–1278 (lire en ligne).
  2. (en) N.A. Gokcen, « Gibbs-Duhem-Margules Laws », Journal of Phase Equilibria, vol. 17, no 1,‎ , p. 50–51 (DOI 10.1007/BF02648369).
  3. (en) Phase Equilibria in Chemical Engineering, Stanley M. Walas, (1985) p180 Butterworth Publ. (ISBN 0-409-95162-5).
  4. (en) J. Gmehling, U. Onken, W. Arlt, P. Grenzheuser, U. Weidlich, B. Kolbe et J. Rarey, Chemistry Data Series, vol. I : Vapor-Liquid Equilibrium Data Collection, Dechema, 1991–2014 (lire en ligne).
  5. (en) Robert H. Perry et Don W. Green, Perry's Chemical Engineers' Handbook, New York, McGraw-Hill, , 7e éd., 13:20 (ISBN 0-07-115982-7).

Liens internes

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