Idéal de l'anneau des entiers d'un corps quadratique

En mathématiques, les idéaux de l'anneau des entiers d'un corps quadratique ℚ(d) — cas le plus élémentaire d'un corps de nombres — offrent les premiers exemples de résultats généraux de la théorie algébrique des nombres, comme l'existence d'une décomposition de tout idéal en produit d'idéaux premiers ou la finitude du groupe des classes d'idéaux.

Ces résultats permettent la résolution de certaines équations diophantiennes, comme un cas relativement général de l'équation de Pell-Fermat ou des généralisations du théorème des deux carrés de Fermat.

Contexte

Articles détaillés : Corps quadratique et Entier quadratique.

Un corps quadratique est une extension quadratique — extension finie de degré 2 — du corps ℚ des rationnels. C'est donc une extension simple, de la forme K = ℚ(d) où d est entier sans facteur carré (non nécessairement positif), admettant deux plongements dans le corps ℂ des complexes.

Dans K, les « entiers » (algébriques) sont les racines de polynômes unitaires à coefficients dans l'anneau ℤ des entiers (relatifs). Ce sont des entiers quadratiques et ils forment un sous-anneau du corps. Cet anneau est noté OK, ou parfois ℤ[ω], car il est engendré par un élément ω, égal à (1 + d)/2 si d est congru à 1 modulo 4 et à d sinon.

Le début de cet article concerne plus généralement les sous-anneaux unitaires de ℤ[ω] contenant strictement ℤ. Ils sont de la même forme ℤ[ω'], mais pour des ω' plus généraux : pour un certain entier f non carré parfait, de même signe que d et tel que le radical de |f| soit égal à |d|, ω' = f, ou éventuellement, mais seulement si f est congru à 1 modulo 4, ω' = (1 + f)/2.

Anneau de Dedekind

Certains anneaux d'entiers quadratiques sont principaux (voire euclidiens). Cette propriété a pour conséquence les théorèmes classiques de l'arithmétique : identité de Bézout, lemme d'Euclide ou encore théorème fondamental de l'arithmétique.

Mais beaucoup ne sont pas principaux ni même factoriels[1]. Ernst Kummer, confronté à cette difficulté, découvre la notion de nombres idéaux (en), qui lui permet de démontrer le dernier théorème de Fermat dans les cas où l'exposant est un nombre premier régulier. Cette approche, finalisée par Richard Dedekind[2], permet d'offrir un palliatif de cette absence de factorialité. Si les éléments de l'anneau ne peuvent plus se décomposer en produit d'éléments premiers, en un certain sens les idéaux le peuvent.

Anneau intégralement clos

Le corps des fractions de tous les sous-anneaux ℤ[ω'] de OK est K et par construction, le seul d'entre eux qui est intégralement clos est OK (un anneau A est dit intégralement clos si ses éléments sont les seuls éléments entiers sur A de son corps des fractions). Mais les deux autres propriétés utiles des sections suivantes sont vraies pour tous les ℤ[ω'].

Anneau noethérien

Article détaillé : Anneau noethérien.

Dans ℤ, tout élément non nul et non inversible est produit d'un nombre fini d'éléments irréductibles. Cette propriété est vraie (avec unicité de la décomposition) dans tout anneau factoriel, mais l'anneau des entiers d'un corps quadratique n'est pas toujours factoriel. Cependant, elle est vraie aussi (sans l'unicité) dans tout anneau (commutatif, unitaire, intègre) noethérien. Un anneau A est dit noethérien si chacun de ses idéaux est de type fini.

Pour tout idéal non nul M de ℤ[ω'] (avec ω' = f ou (1 + f)/2 comme précisé ci-dessus), il existe bien une famille finie, constituée de seulement deux éléments, génératrice du ℤ[ω']-module M et même base de ce ℤ-module :

Tout anneau unitaire d'entiers quadratiques est noethérien. Plus précisément, les idéaux non nuls de ℤ[ω'] sont les sous-ℤ-modules libres de rang 2 de la forme
c(ℤa ⊕ ℤ(b + ω')) avec a, b et c entiers tels que 0 ≤ b < a, 0 < c[3] et :

  • si ω' = f : b2f multiple de a ;
  • si ω' = (1 + f)/2 : b(b + 1) – (f – 1)/4 multiple de a.
Démonstration

Notons M l'idéal (non inclus dans ℤ). Son intersection N avec ℤ est un idéal non nul de ℤ, donc de la forme a' ℤ pour un certain entier a' > 0. Le ℤ-module quotient M/N est non nul et isomorphe à un sous-ℤ-module de ℤ[ω'] / ℤ ≃ ℤω' ≃ ℤ. Il est donc engendré par un élément non nul, classe dans ce quotient d'un certain élément α = b' + cω' de M\N, si bien que M = N ⊕ ℤα. Le ℤ-module M est donc libre, de base (a', α). On se ramène à c > 0 en remplaçant au besoin α par son opposé, puis à 0 ≤ b' < a' ajoutant à α un multiple entier adéquat de a'. Pour que le ℤ-module ℤa' ⊕ ℤα soit un idéal, il faut et il suffit qu'il contienne a'ω' et αω'. Un rapide calcul (ou un raisonnement plus élaboré sur les normes) montre que cela équivaut à a' = ac et b' = bc avec a, b vérifiant les conditions annoncées.

Idéal premier, idéal maximal

En général, les idéaux de ℤ[ω] ne sont pas tous principaux. Cependant, tous les ℤ[ω'] vérifient une propriété usuelle des anneaux principaux :

Tout idéal premier non nul de ℤ[ω'] est maximal.

Cette propriété découle directement de la suivante :

Tout quotient de ℤ[ω'] par un idéal M non nul est fini : si M est de la forme c(ℤa ⊕ ℤ(b + ω')) ci-dessus, ℤ[ω']/M est d'ordre ac2[3].

Démonstrations
  • Le quotient de ℤ[ω'] par l'idéal c(ℤa ⊕ ℤ(b + ω')) est d'ordre ac2 :
    Le couple (u, v) = (1, b + ω') est une base du ℤ-module ℤ[ω'] et le couple (cau, cv) est une base du sous-module que constitue l'idéal. Le module quotient est donc isomorphe à (ℤu ⊕ ℤv)/(ℤcau ⊕ ℤcv) ≃ (ℤ/caℤ) × (ℤ/cℤ).
  • Tout idéal premier non nul d'un anneau d'entiers quadratiques est maximal :
    Soit M un idéal premier non nul de cet anneau A. L'anneau A/M est un anneau intègre fini donc un corps, si bien que M est maximal.

Plus précisément, si l'idéal non nul M = c(ℤa ⊕ ℤ(b + ω')) est premier alors ac est un nombre premier p (car l'idéal M ⋂ ℤ = acℤ de ℤ est premier) donc M est soit de la forme ℤp ⊕ ℤ(b + ω'), soit égal à pℤ[ω'], et le corps fini ℤ[ω']/M est donc isomorphe soit à Fp, soit Fp2.

Produit d'idéaux

Les anneaux de Dedekind sont ceux qui, sans être nécessairement factoriels, vérifient la « factorialité pour les idéaux ». Plus précisément (cf. article détaillé) :

Théorème — Pour un anneau A (commutatif, unitaire, intègre), les propriétés suivantes sont équivalentes :

  • A est de Dedekind, c'est-à-dire que
    1. tout idéal premier non nul de A est maximal,
    2. A est noethérien,
    3. A est intégralement clos ;
  • Tout idéal de A est produit d'idéaux premiers ;
  • Pour tout idéal non nul M, il existe un idéal non nul N tel que MN soit principal.

De plus, si A est de Dedekind, la décomposition de tout idéal non nul en produit d'idéaux premiers est unique (à l'ordre près des facteurs).

Comme exposé dans les sections précédentes, les propriétés 1 et 2 ci-dessus sont vérifiées par tous les sous-anneaux ℤ[ω'] de ℤ[ω] et la 3 ne l'est que par ℤ[ω]. Par conséquent, seul ce dernier vérifie la propriété de décomposition des idéaux en idéaux premiers.

Par exemple dans A := ℤ[–3] (strictement inclus dans l'anneau des entiers d'Eisenstein), l'idéal 4A ne possède aucune décomposition en idéaux premiers. Comme tout idéal propre, il est inclus dans un idéal maximal M qui, dans cet exemple, est unique et égal à 2ℤ + (1 + –3)ℤ. Il est encore strictement inclus dans M2, mais il contient strictement M3.

Idéal

Trace et norme d'un élément

Article détaillé : Forme trace.

La trace (relative) Tr(α) d'un élément α de ℚ(d) est définie comme la trace de l'endomorphisme φα : x ↦ αx et sa norme (relative) comme le déterminant de φα. En notant σ la conjugaison dans ℚ(d), ces deux rationnels sont Tr(α) = α + σ(α) et N(α) = ασ(α), et sont entiers si et seulement si α appartient à Oℚ(d).

Norme d'un idéal

Article détaillé : Norme (théorie des corps).

La norme d'un idéal non nul M de ℤ[ω'] est définie comme la valeur absolue du déterminant, dans une base du ℤ-module ℤ[ω'], d'une base du sous-module M (cette définition ne dépend pas des bases car les matrices de passages appartiennent à GL(2,ℤ) donc leurs déterminants valent ±1). On démontre alors (cf. article détaillé) :

La norme d'un idéal non nul M de ℤ[ω'] est l'ordre du quotient ℤ[ω']/M.

C'est d'ailleurs par cette méthode qu'on a calculé ci-dessus cet ordre, égal à ac2 si M est de la forme c(ℤa ⊕ ℤ(b + ω')).

Puisque la norme d'un idéal principal engendré par un élément α est égale[4] à la valeur absolue de la norme de α, on en déduit :

La valeur absolue de la norme d'un élément non nul α de ℤ[ω'] est l'ordre du quotient ℤ[ω']/αℤ[ω'].

Cette propriété peut s'interpréter géométriquement en disant que le nombre de points du réseau ℤ[ω'] qui appartiennent à un domaine fondamental du sous-réseau αℤ[ω'] est égal à l'aire relative de ce domaine fondamental : cf. § « Covolume » de l'article « Réseau (géométrie) ».

La norme des éléments est multiplicative par définition. La norme des idéaux l'est aussi (cf. article détaillé) :

La norme du produit de deux idéaux non nuls est égale au produit des normes de ces idéaux.

On sait déjà que l'anneau ℤ[ω] = Oℚ(d) est de Dedekind (contrairement à ses sous-anneaux non triviaux), mais on peut à présent expliciter la dernière des trois caractérisations équivalentes du § « Produit d'idéaux », car l'identité N(α) = ασ(α) s'étend aux idéaux :

Dans Oℚ(d), le produit d'un idéal M par son conjugué σ(M) est principal : c'est l'idéal engendré par leur norme commune N(M)[5].

Démonstration

Par multiplicativité de la norme, il suffit de montrer que Mσ(M) est engendré par un entier. On peut supposer M non nul, donc de la forme (α, β) avec α et β non nuls (deux éléments suffisent pour engendrer l'idéal, cf. § « Anneau noethérien »). Le produit Mσ(M) est alors égal à (ασ(α), ασ(β), βσ(α), βσ(β)) donc, en notant e le PGCD des trois entiers N(α) = ασ(α), Tr(ασ(β)) = ασ(β) + βσ(α) et N(β) = βσ(β), à (e, ασ(β)). Montrons qu'il est égal à (e), c'est-à-dire que ασ(β)/e appartient à Oℚ(d).

T r ( α σ ( β ) e ) = T r ( α σ ( β ) ) e Z e t N ( α σ ( β ) e ) = N ( α ) e N ( β ) e Z , {\displaystyle {\rm {Tr}}\left({\frac {\alpha \sigma (\beta )}{e}}\right)={\frac {{\rm {Tr}}(\alpha \sigma (\beta ))}{e}}\in \mathbb {Z} \quad {\rm {et}}\quad N\left({\frac {\alpha \sigma (\beta )}{e}}\right)={\frac {N(\alpha )}{e}}{\frac {N(\beta )}{e}}\in \mathbb {Z} ,}

ce qui conclut.

Par exemple dans Oℚ(–5), le produit de (7, 4 + –5) par son conjugué est égal à (7).

Discriminant

Article détaillé : Discriminant d'un idéal.

Pour tout idéal M de ℤ[ω'], l'application (x, y) ↦ xy est une forme bilinéaire sur ce ℤ-module, appelée forme trace. Son déterminant ne dépend pas de la base choisie pour le ℤ-module, ce qui permet de définir le discriminant d'un idéal M comme le déterminant (dans n'importe quelle base) de la forme trace de M.

Pour M = ℤ[ω'], cette définition donne (cf. exemple 2 de l'article détaillé) :

Le discriminant de ℤ[ω'] est égal à f si ω' = (1 + f)/2 et à 4f si ω' = f. En particulier :

discr ( Z [ ω ] ) = | 1 ω 1 σ ( ω ) | 2 = { d si  d 1 ( mod 4 ) , 4 d sinon. {\displaystyle {\text{discr}}(\mathbb {Z} [\omega ])=\left|{\begin{matrix}1&\omega \\1&\sigma (\omega )\end{matrix}}\right|^{2}={\begin{cases}d&{\text{si }}d\equiv 1{\pmod {4}},\\4d&{\text{sinon.}}\end{cases}}}

Le discriminant d'un idéal M de ℤ[ω'] est égal au carré de la norme de M que multiplie le discriminant de ℤ[ω'] :

discr ( M ) = N ( M ) 2   discr ( Z [ ω ] ) {\displaystyle {\text{discr}}(M)={\mathcal {N}}(M)^{2}~{\text{discr}}(\mathbb {Z} [\omega '])} .

Les définitions et cette proposition sont générales à tout anneau de Dedekind.

Groupe des classes

Article détaillé : Groupe des classes d'idéaux.

Le groupe des classes d'un anneau de Dedekind (commutatif) A est le quotient du monoïde des idéaux non nuls de A (muni de la multiplication, avec A comme élément neutre) par la relation d'équivalence

I ~ J lorsqu'il existe dans A des éléments non nuls a et b tels que aI = bJ.

(Ce quotient est bien un groupe (commutatif), d'après la dernière des trois caractérisations équivalentes ci-dessus des anneaux de Dedekind ; pour A = ℤ[ω], l'inverse de la classe de M est la classe de σ(M) : cf. § « Norme d'un idéal ».)

Pour démontrer la proposition suivante (pour l'anneau des entiers de n'importe quel corps de nombres dans l'article détaillé, et pour le cas particulier d'un corps quadratique ici), on utilise des arguments géométriques, un peu de même nature que ceux utilisés plus haut pour interpréter la norme d'un élément :

Toute classe d'idéaux de Oℚ(d) contient au moins un idéal de norme inférieure ou égale à la constante m définie par l'égalité suivante :

Si d > 0 , m = discr ( Z [ ω ] ) 2 et si d < 0 , m = 2 π | discr ( Z [ ω ] ) | {\displaystyle {\text{Si}}\quad d>0,\quad m={\frac {\sqrt {\operatorname {discr} (\mathbb {Z} [\omega ])}}{2}}\quad {\text{et si}}\quad d<0,\quad m={\frac {2}{\pi }}{\sqrt {|\operatorname {discr} (\mathbb {Z} [\omega ])|}}} .
Démonstrations[6]
  • Cas où d > 0 :

La démonstration étant essentiellement visuelle, elle est illustrée par le graphique de droite. On a choisi d égal à 17. Une fois encore, l'anneau est représenté par un réseau de ℝ2. L'application φ de l'anneau ℤ[ω] dans ℝ2 est celle qui à l'élément α associe φ(α) = (α, σ(α)), c'est-à-dire le couple formé par α et son conjugué. Le conjugué d'un nombre quadratique a + bd est le nombre quadratique abd. Une base du réseau Im(φ) est donnée par les deux couples (1, 1) et (ω, σ(ω)). Le covolume V du réseau est égal à la valeur absolue du déterminant de la matrice

( 1 ω 1 σ ( ω ) ) . {\displaystyle {\begin{pmatrix}1&\omega \\1&\sigma (\omega )\end{pmatrix}}.}
Illustration du cas d = 17.

Il est donc égal à racine carrée du discriminant de ℤ[ω]. Sur la figure, d, égal à 17, est congru à 1 modulo 4 ; le covolume du réseau est l'aire du parallélogramme illustré en bleu ; il est à peine supérieur à 4. Le réseau est illustré par les points, en général en gris. Les intersections du quadrillage bleu correspondent aux points de ℝ2 à coordonnées entières.

On considère un idéal J non nul ; son image par φ est un sous-réseau du précédent, a priori à maillage plus large. Dans l'exemple, J est l'idéal composé des multiples de 2. Une fois encore, le covolume de φ(J) est égal au produit de la norme de J par V ; il est donc égal ici à la racine carrée du discriminant de J. Sur la figure, le covolume de φ(J) correspond au parallélogramme rouge, d'aire égale à 4 fois celle du parallélogramme associé au covolume V de φ(ℤ[ω]), soit approximativement 16,49. Les points rouges sont ceux correspondant à l'idéal.

Le théorème de Minkowski indique que tout convexe borné, symétrique par rapport à l'origine et d'aire quadruple du covolume d'un réseau contient au moins deux points non nuls du réseau. Pour construire un tel convexe, on munit ℝ2 de la norme ||.|| qui associe à un point (x, y) la valeur |x| + |y|. Une boule de rayon r a pour aire 2r2. Pour être certain que la boule de centre 0 et de rayon r contient au moins un point non nul du réseau de l'idéal J, il faut choisir r tel que :

2 r 2 = 4   N ( J )   discr ( Z [ ω ] ) donc r = ( 2   N ( J )   discr ( Z [ ω ] ) ) 1 2 {\displaystyle 2r^{2}=4~{\mathcal {N}}(J)~{\sqrt {{\text{discr}}\;(\mathbb {Z} [\omega ])}}\quad {\text{donc}}\quad r=\left(2~{\mathcal {N}}(J)~{\sqrt {{\text{discr}}\;(\mathbb {Z} [\omega ])}}\right)^{\frac {1}{2}}} .

Dans l'exemple, l'aire de la boule doit être au moins égale à 65,97 et le rayon r à 5,74. Sur la figure, cette boule est illustrée en vert, elle contient bien deux points du réseau φ(J) correspondant à 2 et –2. Soit π un point non nul, correspondant au réseau φ(J) et appartenant à la boule de centre 0 et de rayon r. Sa norme géométrique, égale à |π| + |σ(π)|, est inférieure à r. L'égalité suivante permet d'obtenir une majoration de la norme arithmétique de π en fonction de la norme géométrique de φ(π).

| N ( π ) | = | π   σ ( π ) | = 1 4 ( ( | π | + | σ ( π ) | ) 2 ( | π | | σ ( π ) | ) 2 ) 1 4 π 2 . {\displaystyle |{\mathcal {N}}(\pi )|=|\pi ~\sigma (\pi )|={\frac {1}{4}}{\Big (}(|\pi |+|\sigma (\pi )|)^{2}-(|\pi |-|\sigma (\pi )|)^{2}{\Big )}\leq {\frac {1}{4}}\|\pi \|^{2}.}

On en déduit l'existence d'un élément non nul π de J dont la norme arithmétique vérifie la majoration :

| N ( π ) | 1 2   N ( J )   discr ( Z [ ω ] ) {\displaystyle |{\mathcal {N}}(\pi )|\leq {\frac {1}{2}}~{\mathcal {N}}(J)~{\sqrt {\operatorname {discr} (\mathbb {Z} [\omega ])}}} .

Dans l'exemple choisi, cela montre l'existence d'un élément non nul de J de norme arithmétique inférieure à 2,88.

Soient J' un idéal tel que JJ' soit égal à un idéal principal non nul αℤ[ω] — rappelons qu'on peut prendre J' = σ(J) et α = N(J) — alors αℤ[ω] contient πJ', donc l'ensemble K := πJ'/α est un idéal de ℤ[ω], et JK = πℤ[ω]. On en déduit que la classe inverse de celle de J — donc toute classe, puisque J est arbitraire — contient un idéal K tel que

N ( K ) = | N ( π ) | N ( J ) 1 2   N ( J )   discr ( Z [ ω ] ) N ( J ) = discr ( Z [ ω ] ) 2 {\displaystyle {\mathcal {N}}(K)={\frac {|{\mathcal {N}}(\pi )|}{{\mathcal {N}}(J)}}\leq {\frac {{\frac {1}{2}}~{\mathcal {N}}(J)~{\sqrt {\operatorname {discr} (\mathbb {Z} [\omega ])}}}{{\mathcal {N}}(J)}}={\frac {\sqrt {\operatorname {discr} (\mathbb {Z} [\omega ])}}{2}}} .
  • Fin du traitement de l'exemple, si d = 17 :

Dans l'exemple choisi, la racine carrée du discriminant de l'anneau est égale à 17, soit moins de 4,2. La seule norme possible pour K, si J est non principal, est 2.

La preuve de noethérianité a montré que K est alors de la forme ℤ2 ⊕ ℤ(b + ω) avec b = 0 ou 1. Un rapide calcul permet de constater que les deux candidats correspondants pour K sont des idéaux principaux : ℤ2 ⊕ ℤ(1 + ω) est engendré par 1 + ω, et ℤ2 ⊕ ℤω par son élément conjugué, 2 – ω. Il n'existe donc pas d'idéal non principal de norme 2 et l'anneau est principal.

  • Cas où d < 0 :
Illustration du cas d = –17.

Le raisonnement est exactement le même que le précédent, même si la représentation ainsi que la distance sont modifiées. Ici, l'application φ est celle qui au point α associe le couple composé de sa partie réelle et de sa partie imaginaire. Le covolume du réseau associé à l'anneau est maintenant égal à la moitié de la racine carrée de la valeur absolue du discriminant. Dans l'exemple, d est égal à –17 (non congru à 1 modulo 4) et ω à i17, le covolume du réseau est égal à 17 et le discriminant à 68. L'idéal J, toujours choisi dans l'exemple, comme l'ensemble des multiples de 2, est associé à un réseau de covolume encore égal à 4 fois le précédent, toujours illustré en rouge sur la figure. Son covolume est approximativement égal à 16,49.

On choisit cette fois, comme norme géométrique, celle associée à la distance euclidienne. Encore une fois, le théorème de Minkowski indique que l'aire de la boule centrée en 0 doit être égale à 4 fois le covolume de l'idéal pour assurer l'existence dans la boule d'un point non nul de l'idéal. On obtient les égalités, si r désigne le rayon de la boule :

π r 2 = 4   N ( J )   1 2   | discr ( Z [ ω ] ) | donc r = ( 2 π   N ( J )   | discr ( Z [ ω ] ) | ) 1 2 {\displaystyle \pi r^{2}=4~{\mathcal {N}}(J)~{\frac {1}{2}}~{\sqrt {|\operatorname {discr} (\mathbb {Z} [\omega ])|}}\quad {\text{donc}}\quad r=\left({\frac {2}{\pi }}~{\mathcal {N}}(J)~{\sqrt {|\operatorname {discr} (\mathbb {Z} [\omega ])}}|\right)^{\frac {1}{2}}} .

Le carré de la norme géométrique choisie est égal à la norme arithmétique, ce qui garantit l'existence dans J d'un élément non nul de norme majorée par

2 π   N ( J )   | discr ( Z [ ω ] ) | {\displaystyle {\frac {2}{\pi }}~{\mathcal {N}}(J)~{\sqrt {|\operatorname {discr} (\mathbb {Z} [\omega ])}}|} .

Dans l'exemple choisi, r est approximativement égal à 4,58 et un point de l'idéal est par exemple 4. On en déduit, comme précédemment, que toute classe contient un idéal K tel que

N ( K ) 2 π   | discr ( Z [ ω ] ) | {\displaystyle {\mathcal {N}}(K)\leq {\frac {2}{\pi }}~{\sqrt {|\operatorname {discr} (\mathbb {Z} [\omega ])}}|} .
  • Fin du traitement de l'exemple, si d = –17 :

Il faut maintenant rechercher des idéaux non principaux de norme inférieure ou égale à 5, valeur donnée par la majoration précédente.

Par la même méthode que précédemment, ce sont les ℤ-modules de la forme c(ℤa ⊕ ℤ(b + i17)) avec 0 ≤ b < a, 2 ≤ ac2 ≤ 5 et b2 + 17 multiple de a. Les triplets possibles pour (a, b, c) sont donc limités aux quatre valeurs (2, 1, 1), (3, 1, 1), (3, 2, 1) et (1, 0, 2), mais la quatrième est à exclure d'emblée car l'idéal correspondant, 2ℤ[i17], est principal. Notons les deux premiers

J2 = ℤ2 ⊕ ℤ(1 + i17) et J3 = ℤ3 ⊕ ℤ(1 + i17).

Puisque J2 est le seul idéal de norme 2, il est son propre conjugué donc J22 = 2ℤ[i17].

Cet idéal J2 n'est pas principal car 2 et 1 + i17 sont premiers entre eux. En effet, 1 est la seule norme (x2 + 17 y2 avec x et y entiers) qui divise simultanément leurs normes respectives, 4 et 18.

L'égalité 2J32 = (1 + i17)J2 prouve alors que le groupe des classes est cyclique d'ordre 4.

On en déduit :

Théorème — Le groupe des classes de Oℚ(d) est fini.

En effet, chaque classe d'idéaux contient un idéal non nul de norme inférieure ou égale à m, et le nombre de ces idéaux est majoré par le nombre de triplets (a, b, c) d'entiers tels que 0 < ac2m et 0 ≤ b < a. Par exemple pour d = –5, toute classe contient un idéal de norme inférieure à 45/π ≈ 2,8 et l'idéal de norme 2 est non principal, donc le groupe des classes est d'ordre 2[7]. On peut de plus remarquer que d = –1, –2, –3 et –7 (correspondant à m < 2) font bien partie des valeurs pour lesquelles Oℚ(d) est principal (et même, en fait, de celles pour lesquelles il est euclidien).

Décomposition des nombres premiers

D'après les sections précédentes :

  • tout idéal premier M de ℤ[ω] contient un idéal de la forme pℤ[ω] où p est un nombre premier, unique car
    • si pℤ[ω] est premier — on dit dans ce cas que p est inerte — alors ℤ[ω]/M = ℤ[ω]/pℤ[ω] Fp2,
    • sinon, M est de norme p ;
  • inversement, d'après les propriétés de la norme, pour tout nombre premier p, tout éventuel idéal M de norme p est premier et vérifie : pℤ[ω] = Mσ(M). Par unicité de la factorisation en idéaux premiers, M et σ(M) sont alors les deux seuls idéaux de norme p s'ils sont distincts, ou M est le seul si σ(M) = M, et
    • si pℤ[ω] = Mσ(M) avec σ(M) ≠ M — on dit dans ce cas que p est décomposé — alors d'après le théorème chinois généralisé, ℤ[ω]/pℤ[ω] ≃ ℤ[ω]/M × ℤ[ω]/σ(M) ≃ Fp × Fp ;
    • si pℤ[ω] = M2 — on dit dans ce cas que p est ramifié — alors ℤ[ω]/pℤ[ω] ≃ Fp[X]/(X2).

Les idéaux premiers s'obtiennent donc comme les facteurs dans ℤ[ω] des nombres premiers (plus précisément : des idéaux principaux engendrés par ces nombres), et l'on peut prévoir le comportement de chacun d'eux :

Soit P le polynôme minimal de ω (égal à X2X – (d – 1)/4 si d ≡ 1 mod 4 et à X2d sinon). Dans ℤ[ω], un nombre premier p est :

  • inerte si P n'a pas de racine dans Fp ;
  • décomposé si P a deux racines distinctes dans Fp ;
  • ramifié si P a une racine double dans Fp.

En effet, le comportement de p est donné par le type d'isomorphisme de ℤ[ω]/pℤ[ω], or ℤ[ω] ≃ ℤ[X]/(P) donc ℤ[ω]/pℤ[ω] ≃ ℤ[X]/(p, P) ≃ Fp[X]/(P) (en notant P la réduction mod p de P), et le type d'isomorphisme de Fp[X]/(P) correspond bien, dans chacun des trois cas, à celui calculé pour ℤ[ω]/pℤ[ω]. Ce raisonnement montre de plus que lorsque pℤ[ω] n'est pas premier, il est le produit de l'idéal premier (p, ω – c) par son conjugué, où c est une racine de P dans Fp.

Si p ≠ 2, le comportement est donc déterminé par le discriminant de P, égal au discriminant ∆ de ℤ[ω] (rappelons que ∆ = d ou 4d) : p est inerte si ∆ n'est pas un carré mod p, décomposé si ∆ est un carré non nul mod p, et ramifié si ∆ est divisible par p. La loi de réciprocité quadratique permet ensuite, connaissant les carrés modulo chaque facteur premier de ∆, de déterminer à quelle réunion de classes mod ∆ doit appartenir p pour que ∆ soit un carré mod p.

Si p = 2, l'étude directe de P dans F2[X] montre que p est inerte si d ≡ 5 mod 8, décomposé si d ≡ 1 mod 8 et ramifié sinon.

Remarquons que pour tout p, le cas ramifié était prévisible par un théorème général à l'anneau des entiers de tout corps de nombres : un nombre premier est ramifié si et seulement s'il divise le discriminant de l'anneau.

Notes et références

  1. Ces deux notions sont en fait équivalentes pour un anneau de Dedekind, or l'anneau des entiers de tout corps de nombres est de Dedekind.
  2. Richard Dedekind, Traité sur la théorie des nombres trad. C. Duverney, Tricorne, Genève, 2006 (ISBN 2829302893).
  3. a et b (en) Henri Cohen, A Course in Computational Algebraic Number Theory, coll. « GTM » (no 138), , 4e éd. (1re éd. 1993) (lire en ligne), p. 225, prop. 5.2.1.
  4. En utilisant (α, αω') comme base de ce ℤ-sous-module si α ≠ 0, et en convenant que la norme de l'idéal nul est 0. Voir aussi Pierre Samuel, Théorie algébrique des nombres [détail de l’édition], p. 62.
  5. Cf. (en) Keith Conrad, « Factoring in quadratic fields », p. 13. Cette propriété se généralise à tout corps de nombres ((en) David Hilbert, The Theory of Algebraic Number Fields, Springer Verlag, , 351 p. (ISBN 978-3-540-62779-1, lire en ligne), p. 34), en particulier aux corps cyclotomiques ((en) Paulo Ribenboim, 13 Lectures on Fermat's Last Theorem, Springer, , 302 p. (ISBN 978-0-387-90432-0, lire en ligne), p. 80).
  6. Les démonstrations s'inspirent de Bas Edixhoven et Laurent Moret-Bailly, « Théorie algébrique des nombres », sur université de Rennes I, (cours de maîtrise de mathématiques), chap. 8.
  7. Cet exemple est détaillé dans Edixhoven et Moret-Bailly 2004, p. 56 et dans (en) Scott T. Chapman, Felix Gotti et Marly Gotti, « How do elements really factor in ℤ[–5]? », dans Ayman Badawi et Jim Coykendall, Advances in Commutative Algebra: Dedicated to David F. Anderson, Springer, (arXiv 1711.10842), p. 171-196.

Voir aussi

Bibliographie

  • (en) David A. Cox, Primes of the Form x2 + ny2, Wiley, (1re éd. 1989) (ISBN 978-1-11803100-1, lire en ligne)
  • G. H. Hardy et E. M. Wright (trad. de l'anglais par François Sauvageot, préf. Catherine Goldstein), Introduction à la théorie des nombres [« An Introduction to the Theory of Numbers »] [détail de l’édition]
  • (en) Kenneth Ireland et Michael Rosen, A Classical Introduction to Modern Number Theory, coll. « GTM » (no 84), (réimpr. 1998), 2e éd., 389 p. (ISBN 978-0-387-97329-6, lire en ligne)
  • Jean-Pierre Serre, Cours d'arithmétique, [détail des éditions]

Articles connexes

Lien externe

(en) Eric W. Weisstein, « Quadratic Field », sur MathWorld

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